0 avis
Fallait-il interdire les médias prorusses RT et Sputnik ? / Arnaud Gonzague
Article
"Censure". Le mot paraît anachronique, presque déplacé en ces temps où les démocraties européennes bataillent contre l'équipée belliqueuse de la Russie. Pourtant, c'est le terme employé par Ricardo Gutiérrez, secrétaire général de la Fédération européenne des Journalistes, après que l'Union européenne a interdit la diffusion sur les télévisions et réseaux sociaux de la chaîne RT (ex-Russia Today) et de l'agence de presse Sputnik. Pour les Vingt -Sept, l'activité de ces deux médias créés et financés par Moscou ne relève pas du champ journalistique : ils sont des instruments de " déformation des faits "au service de Vladimir Poutine et, à ce titre, " menacent directement et gravement l'ordre et la sécurité publics de l'Union ". Détail intéressant : pour se préserver des recours en justice que n'auraient pas manqué d'intenter ces médias, l'UE n'est pas passée par la régulation des médias - ce qui, en France par exemple, aurait obligé l'Arcom (ex-CSA) à intervenir, avec un pouvoir de fermeture en réalité très limité. Elle a préféré utiliser la voie des sanctions économiques contre des entreprises jugées liées à Moscou. Autrement dit, RT et Sputnik sont considérées à l'égal de n'importe quelle société commerciale... sauf que la première revendique d'avoir décroché en France une licence de diffusion et d'y faire travailler une centaine de journalistes dotés de la carte de presse. Difficile de considérer, quoi qu'on pense de sa ligne éditoriale, qu'il ne s'agit pas d'un média. Le temps exceptionnel d'une guerre autorise t-il à l'oublier, comme le soutient Cédric O, secrétaire d'Etat au numérique, dans nos colonnes ? La question mérite d'être posée.
Voir le numéro de la revue «L' Obs [Paris], 2994, Jeudi 10 Mars 2022»
Autres articles du numéro «L' Obs [Paris]»