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Fabrique d'un diplomate : Jacques de Molay, grand-maître de l'ordre du Temple, et ses voyages en Occident, 1292-1296 (La) / Philippe Josserand
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Jacques de Molay, le dernier grand-maître de l'ordre du Temple, a souffert jusqu'à récemment d'un préjugé négatif dans l'historiographie. Au mieux, il a été tenu pour un homme d'action, souvent confus, mais jamais pour un diplomate. Les Templiers, pourtant, jouaient alors un rôle non négligeable entre les pouvoirs souverains latins. Elu au printemps 1292, dans un contexte international très difficile, Jacques de Molay s'est d'emblée lancé dans des entreprises d'ampleur, où, plus que nombre de ses prédécesseurs, il a pesé et surtout opéré de manière autonome. Pour rétablir son ordre après la perte d'Acre et susciter le lancement d'une nouvelle croisade, il a conduit une action diplomatique résolue. Il n'y avait pas été a priori préparé, mais, à la faveur de deux voyages en Occident, un premier, ignoré de l'historiographie, à l'hiver 1292-1293, et un second, du printemps 1293 à l'automne 1296, pendant trois ans et demi, il a côtoyé les puissants, en premier lieu le roi Charles II de Naples et le pape Boniface VIII, mais aussi Edouard Ier d'Angleterre, Jacques II d'Aragon et, possiblement, Philippe IV le Bel, qui aurait fait de lui le parrain de son dernier fils. Ainsi, en reprenant les sources, peut-on mettre en lumière la fabrique d'un diplomate qui, dans une période de crise aiguë dans le monde latin, a oeuvré, selon ses propres mots, " pour l'utilité commune de la chrétienté et la commodité de notre maison ". Le dernier grand-maître du Temple ressort de l'étude avec une consistance tout autre qu'à l'ordinaire et, à travers l'un de ses acteurs importants de la fin du XIIIe siècle, la diplomatie occidentale est éclairée tout à la fois en marge des grands cadres étatiques et en relation avec eux.
Voir le numéro de la revue «Revue historique, 696, Octobre 2020»
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