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Album Gustave Flaubert / par Yvan Leclerc
Livre
Edité par Gallimard ; Impr. Corlet - 2021
Quand Flaubert meurt, le 8 mai 1880, on ne connaît pas son visage. C'est une exception dans un siècle où la figure de l'artiste s'est multipliée par la gravure et par la photographie. L'absence d'image résulte de la volonté expresse de l'auteur : il a refusé avec constance de livrer sa tête au public. Cette opposition au portrait se double d'un refus de l'illustration. « Jamais, moi vivant, on ne m'illustrera. » « Toute illustration en général m'exaspère – à plus forte raison quand il s'agit de mes œuvres : – et de mon vivant, on n'en fera pas – dixi. C'est comme pour mon portrait. » Troisième refus : révéler ou laisser révéler les détails de son existence. « Je pense au contraire », écrit-il en 1859, « que l'Écrivain ne doit laisser de lui que ses œuvres. Sa vie importe peu. Arrière la guenille ! » Sans visage pour ses contemporains, l'artiste doit donc être aussi sans biographie. Flaubert est le premier à théoriser et à mettre en pratique la disparition de l'auteur dans le texte, sous le nom d'« impersonnalité ». Ces trois refus, du portrait, de l'illustration et de l'empreinte biographique, découlent d'un même principe : l'œuvre seule, la Littérature comme absolu. Il ne facilite pas la tâche de son biographe ni de son iconographe, cet écrivain entré en résistance contre l'imagerie et l'imaginaire de son siècle. Pourtant, le « photophobe » a posé devant plusieurs objectifs, l'iconoclaste a utilisé des images pour sa documentation, le réfractaire à la curiosité biographique a disséminé un discours sur soi dans quelque quatre mille cinq cents lettres, et il a conservé pieusement tous ses manuscrits.
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