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Radiodurans / Von Pariahs
Document sonore
Edité par Differ-Ant Distribution - 2019
Pour "Radiodurans", les six membres du groupe ont pris leur temps, mûrit leurs envies, transformé leur rage en élément constructif comme à leurs débuts. Cette fois-ci, on change de formule : le groupe s'est adjoint les services d'un réalisateur dans le but d'ouvrir le débat pour aller vers des sonorités nouvelles. Eric Pasquereau, le chanteur-guitariste de "Papier Tigre" et de "La colonie de vacances", entre autres, n'avait jamais eu ce rôle auparavant. Pas farouche, il se lance dans l'aventure et c'est le début d'un travail laborieux et précis. Les nombreux morceaux déjà composés sont étirés, coupés, tordus et finalement transfigurés par cette collaboration qui s'étale sur près de deux ans. Pendant tout ce temps, le collectif est poussé dans ses retranchements et ses contradictions, aussi bien musicalement qu'humainement. Mais s'il plie, il ne rompt jamais. Et le résultat est là, car dès les premières secondes, la fulgurance de "The Bigger Picture" fait sentir cette énergie décuplée, cette envie d'en découdre à tout prix. Sam nous interpelle : "OH, YOU" sont ses premiers mots. Contrairement aux précédents opus du groupe, il est difficile de tracer une filiation à ce disque, d'y poser une étiquette si chère aux auditeurs. On est quelque peu décontenancé quand "Decisions" démarre au quart de tour. Ces mélodies naïves et cette dissonance étrange c'est de la pop, peut-être, mais alors sérieusement amochée. Quelques morceaux plus loin, l'atmosphère sombre hachée de "Suffocate" doit quant à elle sûrement autant à la musique répétitive de Glenn Branca qu'à Suuns ou Nirvana. Plus qu'une volonté de surprendre, il y a celle de se définir, prendre le temps de se constituer une identité propre et non une construction imaginée selon ses goûts. Dans la douceur atmosphérique de "The west" et la rancoeur retenue de "Envious eyes" il y a comme une plénitude, tout se complète sans efforts, sans contraintes. Dans "Nothing something" et "No legs", le groove nous porte jusqu'aux refrains accrocheurs qui nous rappellent les meilleurs tubes du groupe, tout simplement. Pour parfaire "Radiodurans", Von Pariahs a fait appel au mixeur australien Aaron Cupples (Tropical Fuck Storm, The Drones, Civil Civic) qui a su donner une forme finale à toute cette matière en accentuant les subtilités et en y ajoutant sa touche de folie. Le "Radiodurans" est l'un des organismes les plus résistants connus au monde. Ce groupe est désormais plus soudé, comme indestructible, avec cet album d'une liberté et d'une originalité comme on n'en croisera pas souvent dans les prochains mois.