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Ecrire, du roman au SMS / Héloïse Lhérété
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Nos sociétés sont graphomanes. Du tweet intempestif à la tentative littéraire, tout le monde écrit, partout, à tout âge, pour dire tout et n'importe quoi. Alors que chacun pronostiquait, il y a vingt ans à peine, l'effondrement de l'écrit, l'inverse exact s'est produit : on n'a jamais tant rédigé qu'aujourd'hui. Avec une vigueur inattendue, l'écrit s'est imposé au travail, dans les foyers et dans nos communications quotidiennes. Ce succès est d'autant plus inattendu qu'écrire est difficile. Quel que soit le genre - roman, rapport professionnel ou simple SMS -, l'écriture invite à peser ses mots, contrôler sa syntaxe, structurer sa pensée. Il faut aussi assumer de laisser une trace, ce qui n'est pas simple, surtout quand les émotions s'en mêlent. "Les paroles s'envolent, l'écrit reste", dit le proverbe, nous rappelant que l'on se retrouvera peut-être nez à nez, un beau jour, avec ce que l'on a écrit des années plus tôt sous l'effet de l'amour, de la rage ou de l'impudeur juvénile. Il faut enfin soutenir le jugement d'autrui dans un monde où chacun se voit jaugé à l'aune de sa maîtrise du discours. Plus ou moins consciemment, la plupart assument cette part de risque, ce qui conduit en sous-main à une désacralisation de l'écrit. On se gardera de juger ce phénomène, tant il nous paraît plus fertile d'en éclairer les ressorts. Pourquoi et comment écrit-on ? Comment repenser l'articulation écrit-oral à l'heure où Internet et SMS ont conduit à une intégration des deux ? Qu'est-ce que ce dynamisme de l'écrit dit de notre société, de notre rapport aux autres, à l'existence, au temps ? Ces grandes questions ont motivé ce dossier et en constituent les lignes de force. Nous y avons convoqué des auteurs issus de divers horizons - anthropologie, sociologie, philosophie, littérature, psychologie et travail social. Aucun ne détient le fin mot de l'histoire, mais tous tissent ensemble une réflexion transversale sur la place et le rôle de l'écrit dans nos vies.
Voir le numéro de la revue «Sciences humaines, 253, Novembre 2013»
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